Savoirs locaux

Bilan africain de la recherche scientifique en 2008 : le Burkina faso en avant

Introduction : il a menti

Celui-là qui a osé affirmer, dans les années 1983-87 pendant la RDP, qu’au Burkina Faso, « Des chercheurs qui cherchent on en trouve. Mais des chercheurs qui trouvent, on en cherche » a menti purement et simplement par ignorance. C’est notre collègue chercheur Kaboré Oger qui a eu raison de composer sa chanson : « Au Burkina, les chercheurs trouvent ».

Le journal « Africa International (1) » de Marie Roger Biloa a eu le mérite d’y avoir réfléchi, d’avoir cherché et d’avoir publié dans son numéro 424 d’octobre 2008 un répertoire sur « Les 50 chercheurs scientifiques des 50 dernières années 1958-2008 » du continent africain.

C’est une première à notre connaissance. Il faut le féliciter pour ce « clin d’œil historique » aux savants africains, qui méritent d’être connus et salués pour les résultats de leurs recherches au service de l’Afrique et de l’humanité. Puisque depuis le jugement et le très sévère verdict de Hegel (2) sur les « nègres d’Afrique » nous avons été exclus officiellement du club universel des êtres capables de maîtriser le savoir et la science qui, selon lui, sont et doivent demeurer le « domaine réservé » de l’Occident seul !

« Africa International » a recensé et présenté cinquante (50) savants africains qui ont cherché et qui ont trouvé, en Afrique et ailleurs, les solutions à des problèmes africains et mondiaux.

- Parmi ces 50, il y a huit (8) burkinabé : les docteurs Dakyo Zéphirin et Napon Christian, le général Professeur Robert Guiguemdé, le professeur Pierre Guissou, feu le Professeur Ki-Zerbo Joseph, le Professeur Odile Nacoulma, le Professeur agrégé de cardiologie lieutenant- colonel Ali Niakara et le Docteur Sié Moussa, chercheur de l’Institut de l’Environnement et des Recherches Agricoles (INERA) du Centre National de la Recherche Scientifique et Technologique (CNRST) du Burkina Faso.

Cela fait huit (8) sur cinquante (50) en Afrique, ce continent malheureusement éclaté en cinquante (53) pièces détachées pompeusement baptisées « Etats souverains », qui n’arrivent toujours pas à s’unir pour constituer une véritable masse critique capable de peser sur la marche des « affaires du monde » comme tous les autres continents aujourd’hui.

Avec huit (8) savants sur cinquante, le Burkina Faso mérite d’être salué à sa juste valeur, n’en déplaise à nos détracteurs ignorants ! Nos savants sont visibles

Seul le journal « Africa International » peut donner les critères utilisés pour aligner les chercheurs burkinabé aux côtés d’autres célébrités comme le Malien Cheick Modibo Diarra, le Sierra—Léonais Jones Monty ou le Sénégalais Cheick Anta Diop.

Pour ma part, il me faut saluer la performance atteinte par les chercheurs burkinabé, généralement classés, comme notre patrie, « derniers des derniers » en tant que « pays pauvre très endetté » par d’autres structures et organismes dits « neutres impartiaux et apolitiques » tels que le Programme des Nations Unies (PNUD), que nos médias locaux adorent citer et suivre aveuglément dans leurs analyses politiques, que je qualifie de partisanes et d’idéologiquement engagées contre le progrès et le développement endogènes de l’Afrique.

Sur 50 chercheurs, inventeurs et innovateurs africain, on retrouve les professeurs Joseph Ki-Zerbo, Odile Nacoulma, le général Robert Guiguimdé, Pierre Guissou, le lieutenant- colonel Ali Niakara, professeur agrégé, les docteurs Napon Christian, Sié Moussa et Dakuyo Zéphirin.

Sans être un expert en statistiques et en pourcentage, on peut comptabiliser huit (8) enseignants et chercheurs sur cinquante. Avec seize pour cent (16%), c’est pas mal. Nous devons légitimement en être fiers. Aucun autre pays africain n’a réussi la prouesse d’en aligner huit (8) sur cinquante. Cela doit faire réfléchir un peu plus nos « financiers » et le ministère du Budget dans ses arbitrages du financement des activités de recherche, qui ne font que diminuer depuis dix (10) ans, au détriment des structures universitaires et de recherche scientifique..

Le Centre National de la Recherche Scientifique et Technologique reçoit chaque année, un peu moins que l’année précédente, les dotations pour le financement des activités de recherche.

L’impression générale au sein des chercheurs est que, plus ils recherchent et trouvent des solutions scientifiques éprouvées aux problèmes du développement de notre pays, plus les « techniciens » du ministère du Budget diminuent, « gèlent » ou « régulent » les fonds nationaux pour les décourager de poursuivre leurs recherches.

C’est vraiment paradoxal parce que c’est lorsque des services sont contre-performants que l’on se doit d’exiger d’eux plus d’efforts à « mobiliser des ressources propres » pour fonctionner et vivre. Comment le CNRST ou les universités nationales peuvent-ils faire des bénéfices telles les usines ou les boutiques privées ?

Depuis 1991, avec les Programmes d’Ajustement Structurel du Fonds Monétaire International (FMI) et de la Banque Mondiale, nos gouvernements paraissent interdits de défendre de façon ferme et intransigeante l’idée que l’enseignement supérieur et la recherche scientifique sont des domaines « stratégiques et de souveraineté scientifique » pour atteindre l’autosuffisante alimentaire, l’alphabétisation de tous les citoyens et la scolarisation de tous les enfants en Afrique et que ce sont là les conditions premières du développement. Que se passe-t-il ? Un professeur titulaire burkinabé et un directeur de recherche ont un salaire deux (2) fois moindre qu’un député de l’Assemblée Nationale issu de la « démocratisation » !

Dans ces conditions, il est évident que s’il y a un choix à faire, on ne retrouve pas grand monde prêt au suicide économique et financier. Si créer un parti politique ou un organe de presse (journal ou radio) privé donne plus de droits à un financement du budget de l’Etat que le métier d’enseignant, de formateur ou de chercheur, le choix sera vite fait. Obtenir un doctorat de 3e cycle, un doctorat unique ou un doctorat d’Etat veut dire que le titulaire a apporté une solution originale scientifiquement valable à un obstacle au développement du Burkina Faso, sinon de l’Afrique et du monde.

Notre pays doit être fier de ses enseignants et de ses chercheurs. Il doit les honorer, les décorer. Il doit les doter de salaires et de moyens pour travailler et faire avancer le savoir endogène burkinabé et africain en général. Le travail du journal « Africa International » N°424 d’octobre 2008 doit être traduit en langues nationales et diffusé pour faire connaître les résultats des chercheurs africains en matière de solutions aux problèmes africains et extra-africains. C’est un devoir que « Africa International » a le mérite d’avoir accompli, même si c’est exclusivement en langue française. Nos chercheurs ont cherché et ont trouvé pour le Burkina Faso, pour l’Afrique et pour l’Humanité.

Par exemple, c’est un ingénieur nigérian, Jelani Aliyu, qui, à 42 ans, « a mis au point en 2007 une voiture ultramoderne qui fonctionne à l’énergie électrique… La « Chevy Volt » (pour Chevrolet Volt) est alimentée par une batterie à fonctions multiples, et elle utilise un moteur à gaz pour produire un supplément d’électricité.

La technologie à la base du concept de la Chevy Volt permet une production d’électricité à partir de l’essence, de l’éthanol, du biodiesel ou de l’hydrogène, « contribuant ainsi à trouver une solution globale à la diversification des sources d’énergie pour le transport », souligne un communiqué officiel de General Motors (le plus gros fabriquant mondial de voitures), qui vante une « découverte capitale pour l’industrie automobile »(3)

Le Docteur Zéphirin Dakuyo du Burkina Faso est salué pour savoir exploiter scientifiquement « le secret des plantes » et soigner de nombreuses maladies (4). Le journal poursuit : « l’année 2006 a vu quatre (4) de ses produits, sur cinquante environ, homologués par le ministère burkinabé de la Santé. Ils sont vendu en pharmacie et dans les représentations régionales des laboratoires Photofla ».

A l’ère des Nouvelles Technologies, il est impossible de ne pas citer Philip Emeagwali, « le père des superordinateurs » que le journal apprécie ainsi : « L’architecture informatique qu’il a conçue a permis à 65000 processeurs, travaillant ensemble, de réaliser le plus grand nombre d’opérations jamais réalisé par un ordinateur en une seconde, soit 3,1 milliards de calculs. Une première mondiale »(5).

Enfin sur les treize (13) femmes citées, le Professeur Odile Nacoulma de l’université de Ouagadougou se distingue parce que « la réputation et l’efficacité de ses cosmétiques à base de karité ont depuis longtemps franchi les frontières de son pays ».

Les Burkinabé enseignent, cherchent, trouvent pour résoudre scientifiquement les problèmes liés aux progrès socio-économique, culturel et politique de leur pays. Il ne faut surtout pas « baisser la garde », reculer et devoir regretter inévitablement un retard qui coûtera très très cher au pays..

Rien que le mercredi 7 janvier 2009 dans un article publié dans « L’Observateur », il m’a été donné de défendre les efforts financiers (bourses, billets d’avion) et politiques des gouvernements des deuxième et troisième Républiques (1979-1980) pour la formation universitaire des étudiants, y compris la décision de créer l’université de Ouagadougou. C’est une dynamique qui, dans la durée, a permis d’être là où nous sommes aujourd’hui à l’échelle du continent. Il y va du salut de chacun et de tous. Conclusion : pas de salut sans le savoir

Au Burkina, les enfants de 0 à 16 ans (de zéro à seize ans) sont cinquante pour cent (50%) de la population en 2009. C’est donc la moitié de notre peuple (sept (7) millions sur quatorze (14)) qui réclame le savoir, la formation, l’information au quotidien et le droit à une vie décente.

Bon gré, mal gré, cette moitié (50%) du peuple va rechercher l’information. Elle va avoir celle qui va s’offrir. Il vaut mieux que ce savoir, cette formation et cette information viennent de l’Etat. Notre pays n’est pas le « dernier des derniers » parce qu’il est sans ressources d’exportation comme le pétrole ou les diamants (c’est le premier critère des Européens et des Américains).

Le Burkina Faso n’est pas le dernier en qualité de la formation professionnelle et en recherche scientifique. Les chercheurs burkinabé cherchent, trouvent et participent au progrès et au développement de leur patrie dans tous les domaines. Les 50% de jeunes Burkinabé seront ce que nous choisirons tous d’en faire, soit des savants, soit des bandits.

Le Professeur Mouhoussine Nacro, à l’époque ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, avait coutume de citer le dicton américain selon lequel « si tu penses que l’éducation coûte cher, alors, achètes l’ignorance » ! Pouvons-nous nous résigner à acheter l’ignorance, la mère de toutes les maladies de l’humanité actuelle ? Ce serait tout simplement une option suicidaire.

Pr Basile L. Guissou, Maître de recherche en sociologie politique : INSS/CNRST 03 BP 7047 Ouaga 03

- 1 « Africa International » N°424. Octobre 2008.

- 2 Hegel FWF, 1965, « La raison dans l’histoire », Introduction à la philosophie de l’histoire. Edts Plon. Paris (France) p.250

- 3 Africa International N°424 d’octobre 2008, page 36.

- 4 Op cité page 41

- 5 Op cité page 45.

source : L’Observateur Paalga

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