Savoirs locaux
Saïdou Ouédraogo est un artisan handicapé. Il préside la bonne marche des activités du groupe des artisans handicapés “Wend la Mita” (Dieu peut juger de l’avenir). Ce groupe, qui a vu le jour en 1992, est installé en plein cœur du quartier Wemtenga de Ouagadougou.
Partageant solidement leurs connaissances artistiques et leurs talents créatifs, ils se sont reconvertis à la fabrication de jouets éducatifs (charriots, puzzles, marionnettes...) et des objets décoratifs (statuettes d’animaux en calebasse et bois), sous l’impulsion de Rönicke Martina, épouse Kaboré, une Suisse résidant au Burkina Faso.
Très vite, elle a découvert le talent de ces artisans et apprécié leurs chefs-d’œuvre lors d’une grande exposition collective d’objet d’art. Leur premier site-atelier a été le garage-auto de Martina au domicile conjugal. Ce début de contact a servi également de déclic pour le début d’une collaboration soutenue. Il a permis au groupe des artisans handicapés de bénéficier d’un local en location toujours à Wemtenga, mais aussi de disposer d’outils de travail et de la matière première (bois, contre-plaqué, colle, peinture, etc.) pour produire un premier lot de jouets éducatifs destinés à plusieurs garderies d’enfants de la ville, sous la supervision de Martina Rönicke. “Elle disposait de quelques outils et appareillages électriques qu’elle avait fait venir de Suisse pour nous faciliter le travail”.
Nous concevons régulièrement des jouets éducatifs tels que : “douze puzzles avec trois nivaux de difficultés, des jeux en construction, des memory pyrogravés, des tangrams, etc). La formation que nous avons reçue a consisté à la confection des jeux de différents gabarits, à la préparation des maquettes avec du bois, aux finitions telles que les polissages et la peinture. Nos premiers contacts avec la clientèle ont été les écoles maternelles”, a souligné Saïdou Ouédraogo. Avec Martina Rönicke, leur collaboration s’est renforcée avec l’ONG suisse “Enfants du Monde”.
Au retour de Martina en Suisse où elle a passé une dizaine d’années, la collaboration a été maintenue. Elle leur envoyait régulièrment des pièces de rechange (lames, etc.) pour les scieuses électriques et les appareils à pyrograver. Le groupe des artisans Wend la Mita, sur la sollicitation des responsables du Village artisanal de Ouagadougou (VAO) a créé une antenne au sein de cette structure. Au début, le groupe ne comptait que trois membres. Elle en compte aujourd’hui une trentaine dont la plupart sont répartis dans différents sites à travers la ville. Wend la Mita, qui est sollicité par de nombreux parents d’élèves et des scolaires pour des formations et encadrements pendant les vacances, a participé à de nombreuses expositions-ventes au SIAO, au FESPACO et à des manifestations culturelles à l’Ecole française de Ouagadougou et au centre culturel Georges Méliès.
Pour la promotrice Martina Rönicke Kaboré, ce regroupement d’artisans handicapés est de sa propre initiative. Etant éducatrice spécialisée dans un centre de handicapés en Europe, elle affirme souffrir de voir ces personnes désœuvrées dont le sort est lié à leur handicap physique. C’est pourquoi, rentrée au Burkina Faso avec son mari, M. Kaboré, elle a décidé de venir en aide à ces personnes marginalisées, en leur portant assistance. Plutôt que de mendier dans la rue, il faut leur apprendre à faire quelque chose qui leur procure des revenus substantiels. “A l’époque, beaucoup d’écoles maternelles étaient en construction au Burkina Faso et je me suis dit qu’en leur apprenant à confectionner des jouets d’enfants, ils sauront tirer profit de leur travail. J’ai commencé avec très peu de moyens avec le soutien de l’entourage familial en Suisse.
En 1998, lorsque je retournais en Suisse, je les ai encouragés à poursuivre dans le même élan. Par contre, j’assurais les équipements et les pièces de rechange des appareillages depuis la Suisse. Malgré des difficultés de gestion, ils ont réussi à se prendre en charge. Actuellement répartis sur trois sites avec trente artisans, la clé de leur réussite leur a ouvert plusieurs portes sur trois aspects : un travail de qualité, une bonne dose de créativité et une gestion transparente basée sur des décisions collectives”, a confié la promotrice.
Privat OUEDRAOGO
Sidwaya