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Sept vérités sur le Franc CFA et de son devenir

En tant que blogueur, j’ai été interpellé en off sur certains sujets. On me demande mon avis sur certaines choses dont la question du FCFA. Je ne suis pas un spécialiste de la monnaie, mais je vais contribuer en quelques points de manière pragmatique sans être un partisan aveuglé du oui ou du non de la sortie de nos unions.

Je ne voulais pas répondre parce que je n’ai pas d’alternatives sures et claires à proposer d’une part et d’autre part, je ne veux pas enlever le rêve de milliers d’Africains qui pensent que la sortie du FCFA va les permettre de se développer et de devenir riches.

Actuellement, le problème du CFA est devenu le nouvel opium, le nouveau rêve que l’on miroite comme conditions principales pour se développer, la traversée des océans ne nous apportant que tristesse et misère. Vous vous rappelez de l’espoir suscité par la thèse de Marcus Garvey qui a donné du sens aux noirs, de la thèse de Cheick Anta DIOP qui a donné du poids à l’histoire des noirs.

Tout cela ne nourrit pas son homme à court terme, mais nous permet de nous positionner pour être fier de nous-mêmes en tant que grand bâtisseur et contributeur à l’histoire de l’Humanité, ce qui préfigure des énergies positives pour réinventer et aller de l’avant dans le développement. Le simple fait de montrer qu’un noir est capable de…est un véritable moteur d’épanouissement et un véritable catalyseur du progrès. C’est pas pour rien j’ai nommé mon association Yam Pukri, ce qui signifie en langue mooré, éveille de la conscience ou de l’intelligence.
Je ne veux pas être long ni entrer dans de grandes théories, mais, simplement regarder la vérité en face.

Tout d’abord, ce qui fait la force d’une monnaie, c’est le désir que d’autres personnes souhaitent en posséder, ce qui les permet d’accéder facilement à des produits et des services. Si vous avez des produits ou des services de valeurs ( bois, musique, sport,…) beaucoup de gens seront intéressés et comme les échanges se font dans la monnaie du plus fort, le cours de votre monnaie va augmenter parce que tout le monde en demande.
Mais, le fait d’avoir une monnaie forte peut aussi être synonyme de problèmes parce que un seul ou deux produits demandés fortement peuvent jouer sur la valeur de la monnaie, ce qui rendra cher tous les autres produits que le pays va vouloir importer. Des pays comme le Nigéria, les Pays Bas ou encore des villes comme Genève ont vécu ou vivent cette situation .

Le débat actuel est un faut débat, il est vieux de 50 ans et rien ne change. on devrait plus débattre sur les conditions de sortie et le cours futur de la nouvelle monnaie ainsi que des efforts à consentir : comment va couter une miche de pain avec le nouveau francs ? vous qui ne produisez même pas un un kg de blé, la réponse est claire...

1. Sortir du FCFA on change les règles de fonctionnement du FCFA en le rendant convertible simplement et non entubé à l’EURO. On peut ensuite appeler cette monnaie comme on veut.( supprimer le mot franc par exemple qui embête beaucoup de gens parce que ca rappelle la France). on peut également décider que chaque pays se " cherche" , chacun ira créer sa propre monnaie. rappelez vous que le Mali avait sa propre monnaie entre temps , mais a réintégré l’union par la suite. Il n’est pas devenu plus prospère pour autant. que vous ayez votre propre monnaie ou que vous soyez en groupe n’est pas le problème, la question, Est-ce que vous produisez assez de richesses pour intéresser les autres ?.

Certains croient que l’on a besoin de la machine qui fabrique les billets ; Très peu de pays fabriquent leurs billets de banque eux mêmes à cause de la complexité .
Les billets ne représentent que 20% de la masse monétaire en général. dites-vous que vous pouvez prendre un crédit en banque, la dépenser entièrement par des jeux d’écriture , de simples virements en comptes à comptes sans palper un seul billet. Quand il y aura trop de billets en circulation, leur valeur va baisser et il vous faudra une charrette de billets de 1000 FCFA pour acheter une miche de pain.

La peur d’une sortie ou d’un flottement du CFA va paniquer le monde de la finance qui va protéger ses biens en planquant son argent ailleurs. cela va jouer sur les investissements dans la zone au profit d’autres zones plus stables et c’est ce qui se passe actuellement.

2. Le FCFA est actuellement est surévalué OUI. Même avec les 100% de la dévaluation de 1994, regardez vos marchés : pleins de produits étrangers jusqu’aux cures dents et aux serviettes hygiéniques importées de nos femmes alors que nous avons le meilleur coton. Donc si on quitte le contrat de taux de change fixe avec l’EURO et on laisse flotter notre monnaie, le prix des produits étrangers va devenir très très cher. Cela va nous conduire à consommer local et développer d’autres stratégies : Le système actuel nous endort.

3. La France ou l’Europe est contente de cet accord de taux de change fixe actuellement : NON
C’est une erreur de croire que l’Europe est contente de l’accord actuel. Regardez autour de vous, nous n’avons que des produits Chinois et Coréens. Avant, c’était une aubaine mais plus de nos jours. Nous convertissons notre CFA à l’EURO qui est une devise forte facilement et nous partons acheter des produits Chinois et Coréens qui en retour n’achètent pas des produits de nos unions ou très peu. Allez au Ghana et vous verrez. Chaque jour, il faut lutter travailler fort pour être compétitif afin que les autres s’intéressent à toi et que la valeur de ta monnaie soit plus demandée. Nous on dort et on lève et on a des devises garanties. Actuellement le circuit du FCFA échappe un peu à l’Europe et notre rapide développement va commencer à peser sur eux. Ils seront les premiers à nous balancer hors du système de taux de change fixe avec l’EURO.

4. Il n’ y a aucune réflexion en profondeur au niveau de nos banques centrales et au niveau de la société civile : OUI
Pendant que nous sommes en train de nous exciter et agiter depuis plus de 5 décennies sur l’accord de taux de change fixe avec le Francs Français et ensuite avec l’EURO, la crise en EUROPE a fragilisé leurs économies et ils sont venus raser nos banques qui étaient bien portantes. Personne n’a levé le petit doigt pour tirer sur la sonnette d’alarme. Nous avons vendu la plupart de nos banques de second rang en Afrique. Sortir du FCFA comme on dit ne va rien changer parce que ce sera des jeux d’écritures. Rien ne va bouger en fait. La SGBB a été vendu à la SGB française, la BICIAB a été vendu à la BNP, la BIB a été vendu … vous vendez vos banques à la plupart des banques françaises et vous attendez quoi. Quand les banques en France vont tousser, vous serez enrhumé ici.
Je suis content du fait de l’essor d’autres banques comme CORIS Bank et autres. Si on n’y prend garde, elles seront toutes rachetées.

Les réseaux des caisses populaires sont également des alternatives intéressantes. actuellement elles pèsent lourd à la BCEAO et nous devons travailler à les renforcer en y déposant nos numéraires.

Travaillons donc à avoir vos comptes bancaires dans des banques locales si vous êtes partisan de notre indépendance financière. Je n’ai fait que caricaturer, mais, c’est la situation actuelle. Parce que même dans les banques locales, les banques françaises ou autres ont des comptes et des actions. Nous dormons simplement et manquons de vraies stratèges. Tout le monde est préoccupé par des questions purement œsophagiques et existentielles.

Du reste, on peut dire Bravo à la BCEAO qui arrive à contenir les inflations.

5. Nous passons le temps à gesticuler sans entreprendre aucune action en faveur de notre indépendance financière ou créer des monnaies alternatives : OUI
Nos grands et arrières grands pères ont bien utilisé les cauris et autres comme monnaie d’échange. Nous, on se sait que parler dans le vide et faire rêver faussement les gens.
Il est possible de faire des échanges sans le FCFA dans la zone UEMOA. Nous pouvons faire du troc et nous pouvons créer des monnaies parallèles qui peuvent bien fonctionner en attendant. Vous voyez qu’en occident ils ont des pluralités de monnaie comme le Bitcoins, le Litecoins, le Ripple et autres.

Nous pouvons entreprendre des échanges avec tous les pays du monde par le biais du troc et des monnaies alternatives. C’est pas compliqué ; on peut échanger le coton contre des motos ou des modules solaires…

6.Si on sort de l’accord actuel , les pays de l’UEMOA vont garder une même monnaie avec la même parité : FAUX Vous pensez que la Cote d’Ivoire va accepter avoir la même monnaie que nous ? je ne crois pas. Chaque pays risque de créer sa propre monnaie et il y aura une vraie pagaille qui va se stabiliser plus tard. Nos pays n’ont pas le même poids économique et garder la même monnaie ne sera pas évident. Vous voyez ce qui se passe avec l’Euro. Le PIB de la CEDEAO est autour de 800 milliards de dollar, celui du Ghana seul est autour de 42 milliards et le Burkina 12 milliards. Quant à la Côte d’Ivoire, elle s’élève à 36 milliards de dollars. A titre de comparaison, la région de Bordeaux seule en France a un PIB qui tourne autour de 100 Milliards de dollars.
(Chiffre de 2015-2016)
La zone franc a été utilisé comme test pour mettre en place l’Euro. C’est une exception parce qu’en général chaque pays possède sa banque centrale alors que c’est huit pays qui possède une seule banque centrale dans notre cas ( Af de l’Ouest). Vous voyez comment les Européens ont des problèmes avec leur union parce que ca a marché pour l’UEMOA, mais pas pour eux.

Regardez donc. Ceux qui rêvent que la France va restituer quoi que ce soit se trompent. Premièrement les pays pauvres comme le Burkina n’auront rien en cas de partage, notre poids économique étant très faible dans l’Union et pour le reste, tout se traduira par un jeu d’écriture et l’argent va continuer à rapporter des intérêts dans des banques en Occident. Nos systèmes financiers sont incapables à l’heure actuelle d’absorber des sommes importantes. Même les cacahuètes de l’aide, on est incapable d’absorber les deux tiers .

Ceux qui pensent que l’on va prendre des kilos d’or ou de billets dans des avions pour nous restituer sont les plus nombreux et ils vont désenchanter. Depuis les années 1970, il y a eu un arrêt de la convertibilité des devises en poids or parce que les Eurodollars et les petro dollars ont dépassé les stocks d’or existants.

Le même cas se présente différemment parce que nous avons une création de monnaie Européenne en dehors de l’Euro grâce à notre action et cela peut nuire à l’Occident, mais, le volume actuel est négligeable.
A titre de comparaison, la région de Bordeaux seule en France a un PIB qui tourne autour de 100 Milliards de dollars.

7. La situation économique et financière des pays de la zone sera meilleure : FAUX
Les taux de croissance élevés que nous enregistrons actuellement sont poussés par le secteur primaire. Ce taux de croissance va augmenter en cas de francs flottant mais en valeur, il risque de baisser. Il faut que nous travaillons à créer de la richesse si on peut que la monnaie flottante et convertible soit bénéfique. En passant le temps à exporter nos produits de manière brute, ils ne prendront jamais de la valeur.
Un kilo de coton coute moins de 300 FCFA alors que ce même coton traité pour des soins hygiéniques revient à plus de 10.000 FCFA le Kg. Un kilo de bois d’eucalyptus coute moins de 200 FCFA alors que transformé en cure dent, le kilo va couter plus de 10.000 CFA, les 100 grammes dépassant 100 FCFA.

Les pays pauvres de la zone vont donc rester pauvres et les pays riches, leurs situations ne va pas trop s’améliorer et à court terme, ils auront de fortes tensions de trésoreries à court terme. C’est pour cela la situation perdure parce que personne ne veut sacrifier son mandat présidentiel à gérer ca. Le prix du pain, du lait et autres vont doubler du jour au lendemain en cas de sortie de l’accord avec l’EURO.

Sylvestre Ouédraogo
Responsable Yam Pukri
Enseignant chercheur UFR SEG/UO2

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