Genre et TIC

Femmes et TIC - Stratégies pour un changement social

Le compte à rebours de la semaine nationale de l’Internet a commencé.
Prévu du 22 au 30 mai 2009, le thème retenu est Genre et TIC. Burkina NTIC vous accompagnera cette semaine avec des articles pertinents sur la question.

Nous vous invitons à lire, aujourd’hui, un article intéressant de Sharon Hackett, directrice des DigitElles de Montréal. Elle est agente de développement Internet au Centre de documentation sur l’éducation des adultes et de la condition féminine, où elle a notamment collaboré à la création du réseau Netfemmes et coordonné la publication du livre Femmes et médias à travers le monde pour le changement social (WomenAction/ Éditions du Remue-ménage, 2001).

Femmes et TIC - Stratégies pour un changement social

Les réalisations des femmes dans le domaine des technologies de l’information et des communications illustrent bien la diversité des approches des femmes à ces technologies. Un appel aux témoignages, lancé en 2001 dans la préparation du livre Femmes et médias à travers le monde pour le changement social, a donné des résultats d’une grande richesse et diversité : l’équipe-choc française du journalisme féministe « Les Pénélopes » ont décrit leurs émissions de télévision interactive, tandis que « Les Latinas » ont évoqué les programmes radio que l’organisme costaricain Asociación de Comunicaciones Feminist Interactive Radio Endeavour (AC FIRE) diffuse en ondes courtes et par Internet depuis 1998. Les portails ne manquaient pas non plus : qu’il s’agisse de NetFemmes chez nous, de Famafrique au Sénégal ou de Feminismus.cz à Prague, les femmes profitent de ce médium, qui est parfois le seul à leur donner la parole, pour exprimer leur point de vue sur l’actualité, publier leurs recherches, créer des espaces d’échanges.

De multiples exclusions

Malgré la puissance des technologies de l’information et des communications (TIC) comme outils de mobilisation, de résistance et de développement, on ne saurait affirmer leur apport positif aux femmes du monde sans réfléchir par la même occasion aux ratés de la révolution numérique.

Les TIC sont le véhicule d’un processus de mondialisation qui se fait de façon inégale, à l’image des conditions sociales existantes lors de sa mise en œuvre. Les facteurs qui mènent à la fracture sociale sont les mêmes qui ont engendré, ces dernières années, la fracture numérique : la richesse ou la pauvreté, la situation géographique (urbain/rural, pays du Nord/pays du Sud), le niveau d’éducation ou l’analphabétisme.

Les femmes du monde vivent de multiples exclusions. La majorité des pauvres (56 % au Canada et plus de 70 % à l’échelle mondiale) est constituée de femmes. Les deux tiers des adultes analphabètes du monde sont des femmes. Et lorsqu’on veut accéder à un réseau qui exige un équipement relativement coûteux, des frais de connexion et, souvent, la maîtrise d’une deuxième langue, la marche est haute.

Il n’est alors pas surprenant que les femmes se trouvent majoritairement exclues d’Internet. Nous ne le voyons pas tellement en Amérique du Nord, où 52 % de la population branchée aux États-Unis (Neilsen/Netratings 2001) et 49,6 % des internautes canadiens... mais seulement 41,8 % des internautes québécois (Statistique Canada 2000) sont des femmes. Plus la population d’un pays est branchée, et ce depuis longtemps, plus les femmes sont présentes parmi les internautes. Par contre en Espagne où les utilisateurs d’Internet se chiffrent à 18 % de la population, seulement un tiers de ceux-ci sont des femmes et dans les pays arabes, on estime que seules 4 % des femmes utilisent Internet (WomenAction 2001). Et dans bien des pays, comme ceux d’Afrique où les infrastructures sont encore peu développées, seule une infime minorité des femmes est branchée.

Pour changer les choses...

Si l’exclusion est souvent un effet pervers d’un modèle technologique basé davantage sur les intérêts des gouvernements et des corporations que sur les droits et les besoins de la population, il y a des personnes qui se battent pour que personne ne soit condamné à l’exclusion. Un cas d’espèce : le projet des « livres audio » en Ouganda.

Dans les télécentres qui se multiplient à travers l’Afrique, les femmes ont besoin d’accéder à l’information, mais elles n’utilisent pas les ressources en place parce que : a) la plupart ne savent pas lire ; b) il n’y a pas de documents dans leur langue ; c) il n’y a pas de ressources sur les sujets qui les intéressent ; et d) personne ne les croit capables d’utiliser l’ordinateur. L’International Women’s Tribune Centre (IWTC) travaille avec des femmes et des groupes communautaires en Ouganda à un projet qui espère aider ces femmes exclues.

Comme c’est le cas dans bien des pays, les femmes rurales de l’Ouganda ont dû quitter l’école très tôt et n’ont alors qu’une alphabétisation limitée. Le défi était de développer un projet qui n’exige pas une capacité de lecture, qui « parle » dans la langue des femmes, et qui ne nécessite pas d’habiletés à utiliser les ordinateurs. Ce sont les femmes rurales elles-mêmes qui ont choisi le sujet de « leur » livre, et ce sont des femmes locales qui ont lu les textes. Pour utiliser le livre audio, les femmes n’ont qu’à faire bouger une souris d’ordinateur et cliquer. Elles cliquent sur des graphiques de visages, de services ou de projets, et écoutent une voix qui leur parle dans leur langue. Des essais sur place ont montré que les femmes sont capables de manier une souris, et qu’entendre une voix de femme qui parle leur langue sur leur ordinateur les enchante !

S’il est pertinent et possible de « brancher » les femmes aux TIC à l’échelle locale, la nature des réseaux fait qu’il l’est encore plus à l’échelle internationale. C’est une leçon que l’Association pour le progrès dans les communications met en pratique depuis 1993 via son programme de soutien au réseautage des femmes. Ce programme a fourni les services de communication électronique aux groupes de femmes lors de la quatrième Conférence internationale sur les femmes à Beijing.

Cinq ans plus tard, cette association a été l’un des membres fondateurs de l’alliance internationale WomenAction, un réseau mondial d’information, de communication et de médias qui regroupe plus de 40 membres sur tous les continents. Des formations sur les technologies Web, sur l’animation de listes et de groupes de travail par Internet, et sur les enjeux politiques de la communication ont permis aux groupes de mieux préparer le suivi de Beijing, en plus de créer une réelle synergie parmi les groupes de femmes actives dans le domaine des TIC. La publication par WomenAction des versions imprimées et virtuelles du livre Femmes et médias à travers le monde pour le changement social a permis la création d’un répertoire international d’environ 90 organismes actifs dans le domaine.

Nouveaux rôles, nouveaux défis

À mesure que les femmes font des avancées, les organismes qui les desservent adoptent de nouveaux rôles. Sans abandonner la question de l’accès à Internet, les femmes doivent aborder celle du contrôle des réseaux et le droit à la communication. Minoritaires dans les secteurs d’emploi technologiques et dans la recherche sur les technologies, elles sont quasiment absentes des sphères décisionnelles où se décident les programmes et les politiques qui encadrent le développement et la dissémination de nouvelles technologies.

Le fait de considérer ces programmes et ces politiques comme étant des questions strictement techniques a eu pour effet d’exclure la voix de la société civile. Le droit à la communication et les « cyberdroits » en général feront l’objet d’une animation intense dans la préparation du Sommet mondial sur la société de l’information, que l’ONU tiendra à Genève en 2003. En plus de l’atelier sur la gouvernance qui se déroulera pendant ISOC Francophonie, les 12 au 14 juin prochains, les cyberdroits feront l’objet d’un courant du troisième Congrès mondial sur les réseaux citoyens, qui se tiendra à Montréal en octobre. À suivre !

Sharon Hackett, directrice des DigitElles de Montréal, est agente de développement Internet au Centre de documentation sur l’éducation des adultes et de la condition féminine, où elle a notamment collaboré à la création du réseau Netfemmes et coordonné la publication du livre Femmes et médias à travers le monde pour le changement social (WomenAction/ Éditions du Remue-ménage, 2001). Membre du comité de programmation d’ISOC Francophonie 2002, elle siège sur le conseil d’administration du Carrefour mondial de l’Internet communautaire et est déléguée pour l’Amérique du Nord au réseau WomenAction.

Source : http://www.ledevoir.com/2002/06/08/2613.html
Pour information :
www.penelopes.org

www.fire.or.cr

netfemmes.cdeacf.ca

www.famafrique.org

www.feminismus.cz

www.iwtc.org

www.apc.org

www.womenaction.org/women_media

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