Environnement

Conflits Fonciers au BURKINA (suite et fin)

Les conflits fonciers au Burkina : comment les gérer ? (Suite et fin)

Les conflits fonciers ont de tous temps existé au Burkina Faso ; mais ces dernières années, ils sont de plus en plus nombreux avec des violences accrues. Il ne se passe pratiquement plus un mois sans que la presse ne signale de nouveaux cas : SARI dans la région du NORD le 23 mai 2012 avec plus d’une trentaine de morts, GOMBOUSGOU au CENTRE SUD le 18 juillet 2012, etc.… Au delà des causes classiques liées à l’exacerbation de la compétition foncière (et le contrôle des ressources naturelles) entre acteurs ruraux, il importe d’attirer l’attention sur les causes d’ordre institutionnel des conflits, causes sur lesquels il est possible d’agir à travers des mesures appropriées :

Ignorance de maîtrise foncière et de prérogatives de gestion des populations autochtones sur les ressources de leur terroir ;

Absence de règles locales consensuelles relatives à l’accès au foncier ;

Absence de structures locales légitimes, efficaces et impartiales de conciliation.

Le Burkina Faso s’est engagé dans le processus de décentralisation depuis les années 90 avec l’élaboration et l’adoption des Textes d’Orientation en 1993, et l’élection des premiers conseillers municipaux en 1995. Mais la mise en œuvre du processus connaitra un tournant décisif avec l’adoption du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) en décembre 2004. Le CGCT en son article 2, consacre le droit aux collectivités, de s’administrer librement et de gérer des affaires propres en vue de promouvoir le développement à la base et de renforcer la gouvernance locale. Ainsi, les collectivités territoriales concourent avec l’Etat, à l’administration et à l’aménagement du territoire, au développement économique, social, (éducation, santé, culture) et scientifique ainsi qu’à la protection, la mise en valeur des ressources naturelles et l’amélioration du cadre de vie. Pour permettre aux collectivités de promouvoir le développement à la base, l’Etat, à partir de 2006, a commencé à rétrocéder un certain nombre de compétences dont la gestion du foncier rural. Dans le cadre de la gestion foncière, la loi 034-2009/RAF portant régime foncier rural a pour objectif de prévenir et régler les conflits fonciers ruraux, la spéculation foncière (accaparement et bradage des terres), …. Il est alors prévu pour l’application de la dite loi l’élaboration des chartes foncières villageoises. Les chartes foncières sont « des conventions locales inspirées des coutumes et usages ou pratiques fonciers élaborés au niveau local et visant à prendre en considération la diversité des contextes écologiques, économiques, sociaux et culturels en milieu rural ».

La mise en place d’institutions foncières à la base a surtout été expérimentée à travers les Commissions Villageoises de Gestion des Terroirs (CVGT) ; il s’agissait de créer au niveau villageois et inter villageois des structures locales de gestion du foncier et des ressources naturelles ; cependant, cette mise en place a été quelque peu dominée par une approche administrative qui a nui en définitive à l’ appropriation, à la légitimation de ces instances et à leur intégration/assimilation par les populations

Aujourd’hui, comme solution pour prévenir les conflits, on pourrait initier des actions pour instaurer une gestion participative et durable des ressources naturelles et foncières. Il revient alors à débattre avec tous les acteurs locaux : les agriculteurs, éleveurs, exploitants des produits forestiers ligneux et non ligneux, … afin « d’organiser la destination des terres ». Définir les zones d’agriculture, les zones pastorales, les couloirs de passage pour aller aux points d’eau, les pistes de transhumance, la forêt villageoise ou communale, la zone cynégétique. Une telle organisation de l’espace avec la participation, l’adhésion et le respect des délimitations par tous pourrait prévenir les conflits.

Il faut nécessairement, confirmer et améliorer le rôle des institutions villageoises et inter villageoises de gestion alternative des conflits liés au foncier et à l’utilisation des ressources naturelles ; cela passe par l’adoption d’un CADRE DE PRINCIPES DIRECTEURS comportant les dispositions de base en matière organisationnelle ainsi que les mécanismes de prise de décisions. Ces principes directeurs concerneront entre autres :

La promotion du principe démocratique comme mécanisme de prise de décision (consensus et à défaut majorité),

L’inclusion (ou la non exclusion) des différentes catégories d’acteurs installées dans le terroir ou exploitant ses ressources naturelles (cas des transhumants),

La prise en compte des droits et aspirations des groupes spécifiques (Jeunes, Femmes, Eleveurs, Migrants)

La transparence dans la gestion des ressources (naturelles et financières) avec mécanisme de contrôle adéquat,

Le principe de la responsabilité individuelle par rapport aux actes posés.

Comme mesure d’accompagnement l’on prendra des dispositions pour assurer la formation des responsables des communes, des institutions villageoises et inter villageoises et des para juristes en matière de gestion alternative des conflits fonciers locaux.

Pour réussir les actions de participation, de concertation locale et de recherche de consensus à la base, des organisations disposant de compétences, de savoir faire et de ressources à la hauteur des défis à relever devront être promues au niveau local. Un appui pourrait être apporté à ces institutions locales dans des domaines d’actions comme :

La concertation locale ;

La participation effective des différents groupes sociaux aux mécanismes de prise de décision,

L’élaboration des principes d’organisation et règles foncières locales,

La gestion alternative des conflits,

L’élaboration, la mise en œuvre et le suivi participatifs des schémas d’aménagement et de gestion,

La négociation avec les acteurs publics (collectivités locales, les services étatiques, projets de développement).

Concernant spécifiquement les conflits Agriculteurs/Eleveurs, la clarification du statut des espaces pastoraux constitue une priorité ; les collectivités avec le concours des services techniques peuvent entreprendre les actions suivantes :

• Accompagner les communautés dans l’élaboration et la formalisation de chartes locales d’accès aux ressources naturelles dans le respect de l’équité ;

• Initier un processus de négociation pour la création et l’aménagement de pistes à bétail ;

• Protéger et sécuriser les aires de promotion des activités pastorales.

Pour le règlement des litiges, il faut là aussi, privilégier la solution locale avant de se référer à la justice dans les cas de non conciliation. Dans tous les cas, toute décision de justice fait toujours un mécontent pour qui le droit n’a pas été dit pour diverses raisons (incompréhension ou incompétence, parti pris délibéré, corruption etc.…)

Une solution originale serait de cartographier par GPS les zones (Agricole, Pastorale, Cynégétique) et mettre en place un système d’alerte par SMS. A titre d’exemple si vous arrivez nouvellement dans une zone avec votre troupeau, vous recevrez un SMS qui vous invitera à contacter un numéro pour recevoir des informations sur la conduite à tenir. Le comité de gestion des conflits de la commune pourrait recevoir aussi le SMS d’alerte sur la présence de transhumants et les approcher pour les sensibiliser sur les espaces affectés à la pratique de l’élevage. D’aucuns penseront que c’est une proposition utopique. Mais nous sommes persuadés que cela fait partie des solutions à coûts accessibles si vraiment on veut instaurer un milieu rural où les acteurs cohabitent dans la paix et participent au développement de leur commune.

La prévention des conflits agriculteurs-éleveurs, passe par un contrôle plus rigoureuse dans la course effrénée pour l’accaparement des terres dans les zones les plus fertiles sur fond de spéculation par les nouveaux acteurs pompeusement proclamés AGRO BUSINESS MEN ; elle passe également par un contrôle et une meilleure organisation des migrations internes une sensibilisation des transhumants sur la destination des différents espaces, l’instauration et la consolidation d’institutions villageoises et inter villageoises crédibles l’interpénétration des différents groupe sociaux, l’avènement d’une gouvernance locale empreinte de confiance réciproque, d’équité, de transparence et de redévabilité. L’amélioration de la productivité et l’augmentation de la production passent nécessairement par l’accès équitable de tous les acteurs ruraux à la ressource foncière dans une sécurité physique et socio-économique.

Charles DALLA

Chargé de Programme

SORY SALIFOU Publication

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