E-éducation

L’Ecole burkinabè à la conquête des Nouvelles technologies

Des initiatives oeuvrant pour l’intégration des Nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) dans le système éducatif existent au Burkina, pays classé en bas de l’échelle du classement du PNUD et donc extrêmement pauvre. Cette introduction fait le bonheur de plusieurs enseignants et élèves. Ces derniers découvrent de nouvelles façons de communiquer, de chercher l’information. Malgré des insuffisances dues à la nouveauté de l’approche, les NTIC se révèlent indispensables dans le système éducatif, en dénote ces expériences.

Je suis très heureux de savoir naviguer et de discuter sur le net avec des camarades se trouvant dans d’autres écoles autre que la mienne, affirme Mathieu Kabré, élève au lycée Marien N’Gouabi de Ouagadougou. Cet élève s’est familiarisé avec le net dans son lycée grâce au Global Teenager Project (GTP). Le GTP est un programme créé en 1999 par l’Institut International pour la Communication et le Développement (IICD). Cette structure travaille dans 23 pays dont le Burkina. C’est un projet intégrant les nouvelles technologies de l’information et de la communication dans les lycées et collèges. Cette initiative regroupe plusieurs lycées et collèges en réseau (se trouvant en Suisse, au Bénin, en Hollande, au Sénégal, au Burkina, Madagascar, etc.). Ainsi, on donne la possibilité aux élèves d’échanger à travers des débats via l’Internet sur des thèmes aussi variés que la santé, l’environnement, les droits de l’homme, la mondialisation, le sida, la culture, le racisme, la musique, etc., déclare Adama Traoré, le coordonnateur de GTP/Burkina.

Des enseignants, préalablement formés, sont chargés d’encadrer les élèves. C’est eux, également, qui choisissent les différentes thématiques à discuter en collaboration avec les partenaires du projet. Les élèves participant aux différents forums sont choisis par rapport à leur niveau scolaire. Ils sont généralement de niveau 3e provenant soit d’une même classe soit de classes différentes d’un même établissement. Ce sont des apprenants capables de mener une réflexion et des discussions sur un sujet donné, précise Adama Traoré. Plus d’une centaine d’élèves issus d’une douzaine d’écoles burkinabè se sont retrouvés deux fois en 2004 sur l’Internet à travers des échanges par e-mail, tchat, etc. Se familiariser avec les NTIC, développer une compréhension interculturelle leur ouvrent de nouveaux horizons. Maintenant, je suis un AS de l’ordinateur et quand je dis à la maison que je sais naviguer, toutes mes amies veulent faire comme moi, confie avec fierté Sara Touré, une élève. Certains bénéficiaires, selon Adama Touré, sont devenus des gérants de cybercentres ou en sont propriétaires. D’autres suivent des cours pour être informaticiens. Les formations GTP se font deux fois dans l’année. Chaque session dure dix semaines et se fait sans contrainte d’horaires.

Internet, des retombées pour l’enseignement
Outre ce projet, World Links, un programme de la Banque Mondiale, créé en 1997 au Burkina, vise une meilleure intégration des NTIC en milieu scolaire à travers des projet regroupant encadreurs techniques et élèves. Les initiatives de World Links consistent à permettre à un groupe d’élèves de chercher sur le Web des sites qui sont en rapport avec les cours dispensés en classe et qui pourraient faciliter la compréhension des leçons, soutient Abdoulaye Yatabaré, Coordinateur du projet World Links et enseignant de profession.

Pour ce dernier, la présence de l’Internet modifie la situation scolaire de certains élèves considérés comme nuls. En classe, ces derniers ne s’intéressent pas aux cours, ils s’y ennuient. Avec les NTIC, ces médiocres se révèlent comme de véritables virtuoses. Ils exprimeraient peut-être leur intelligence au travers de ce nouvel outil.
Je crois que l’Internet à l’école est indispensable. Je m’aperçois que, de nos jours, pour avoir un boulot bien payé, les recruteurs exigent la connaissance de l’Internet, de la bureautique et de bien d’autres choses. Je pense donc qu’il est bon qu’au lycée ou au primaire, nous nous familiarisons avec les NTIC à l’école, estime, Linda Kpota, élève en classe de terminal.

Avec le programme World Links, le module, recherche sur le net, dure huit (08) heures réparties en quatre (04) séances de deux (02) heures. Le module se déroule dans une salle informatique disposant d’au moins dix (10) ordinateurs connectés à Internet. C’est une phase pendant laquelle les participants recherchent sur le Web des sites éducatifs. Au cours des séances, les élèves bénéficient de l’appui technique d’enseignants, eux-mêmes, préalablement formés. J’ai reçu la formation sur l’application pédagogique des NTIC en histoire et géographie. Grâce à cette formation, j’ai pu former 25 de mes collègues en juin 2002 sur la création de pages Web, l’élaboration des cours. Aujourd’hui, je peux dire que le projet m’a ouvert la voie vers la recherche des savoirs via l’Internet. Avec ce projet, je fais partie des élites maîtrisant les NTIC, estime Abdouramane Atji, enseignant. Aujourd’hui, Abdouramane Atji est responsable d’une association oeuvrant pour la promotion des NTIC en milieu scolaire dans la capitale économique du Burkina, Bobo-Dioulasso, située à plus de 350km de Ouagadougou. Cette association se présente comme un relais du programme World Links. Le siège de ce dernier se trouve à Ouagadougou.

Prioriser les besoins
Le matériel informatique et l’Internet sont quasi inexistants dans presque toutes les écoles du Burkina. La situation est encore plus criante pour les établissements des provinces (Environ une vingtaine de lycées équipés sur près de 450 lycées et collèges). Le matériel informatique se résume trop souvent à un ordinateur et une imprimante qui fonctionne s’il se trouve bien quelqu’un qui sait le manipuler. Autrement, c’est la poussière et la chaleur qui le dégradent. Pour certaines écoles, au cas où la connexion existe, son coût, exorbitant (150.000 FCFA par mois pour décourage plus d’un, si ce n’est le débit qui est très lent. Les écoles disposent très souvent de moins de dix ordinateurs pour plus de 80 élèves.
A mon avis, l’Internet a certes des avantages, mais il faut faire attention. La recherche de l’information, la création de sites Web écoles sont peut-être des choses importantes. Malheureusement, je constate que cet usage de l’Internet devient une espèce de solution facile pour les problèmes de l’éducation. Pourtant, nous avons des priorités. Dans ma classe, nous sommes plus de 90 élèves. Nous manquons de professeurs dans certaines matières, etc. Entre ces exigences et la volonté d’installer le net partout dans les écoles, quelle est la priorité primordiale ?, se demande à haute voix, Patrick Somda.

Le vœu du coordinateur de World Links est que les élèves et lycéens de ces contrées utilisent les CD produits sur les différents sujets de cours et de recherche effectués par les élèves des zones nanties par le projet. Les douze écoles bénéficiant du programme World Links se trouvent dans les capitales politique Ouagadougou et économique Bobo-Dioulasso. Le programme World Links est rattaché au sein du Ministère des Enseignements Secondaire, Supérieur et de la Recherche Scientifique (MESSRS) à la Direction Générale de l’Enseignement Technique Professionnel (DGESTP). World Links Burkina dispose d’un centre multimédia, depuis janvier 2003, situé dans la zone des écoles de la ville de Ouagadougou. Les 12 milles élèves des lycées, collèges et écoles primaires environnants pourraient y accéder. Aussi bien GTP que World Links ne disposent pas de budget annuel de fonctionnement. Ils bénéficient de financement venant de structures bienfaitrices.

L’indispensable évaluation
Avec l’introduction des technologies nouvelles de communication, les enseignants ne craignent-il pas de se voir supplantés par les NTIC ? Les cours que vous voyez sur Internet sont les oeuvres des enseignants ! Les élèves également ont besoin d’encadreurs pour se faire guider sur ce vaste réseau. Je ne vois donc pas en quoi ces technologies nous supplanteraient, rétorque Pascal Bascouré, enseignant de lycées et collèges, convaincu de l’utilité des enseignants. Pour Abdoulaye Yatabaré : L’engagement des écoles burkinabè pour l’intégration des NTIC n’est guère chose aisée. Je constate que certains élèves sont parfois las d’Internet car ils n’utilisent que le courrier électronique, d’autres sont égarés par les sites qu’ils visitent (pornographiques par exemple), et une autre catégorie ne trouve jamais l’information dont elle a besoin. Il ne suffit donc pas d’équiper les écoles d’ordinateurs ou se contenter simplement de former des apprenants. Aussi, il n’est pas étonnant de voir malgré l’engouement d’une frange du monde de l’éducation pour ces technologies de constater que l’autre partie ne s’y intéresse pas.Dans mes enseignements, les NTIC, pour le moment, ne m’apportent pas grand-chose. Elles ne me servent pas de support pour mes cours magistraux ou pratiques. Cela fait que je ne sais même pas comment tenir la souris de l’ordinateur, avoue Laurent Adrien Soubeiga, enseignant. Les technologies de l’information et de la communication doivent être intégrées au cœur même de l’enseignement. Elles ne doivent pas être perçues comme une nouvelle matière isolée des autres présentées comme une curiosité destinée seulement à quelques élèves ou lycéens, mais comme un outil, intégré à la vie scolaire. Il est donc indispensable d’élaborer des activités d’apprentissage permettant de développer des compétences et des savoir-faire : un esprit critique (trier, sélectionner, vérifier) et d’analyse donc de réfléchir et d’apprendre afin d’aboutir à une évaluation. Sans cette évaluation, les différentes formations que nous donnons perdent de leurs impacts et de leurs importances , souligne Adama Traoré.

Les NTIC peuvent permettre une diversification des sources d’informations, la pratique de langue par de réelles situations de communication, l’augmentation de la motivation des élèves, la dispense des cours avec des logiciels de mathématique, de science de la terre et de la vie. Les recherches thématiques des élèves doivent se faire autrement que par discussion simple sur un thème. Pour une étude de cas, les élèves doivent recourir à plusieurs sources d’informations, sélectionner celles qui sont susceptibles de fournir des réponses adéquates, et les réorganiser afin de les diffuser.

La création de contenus grâce à la maîtrise de logiciels comme dreamweavers, pagemill, photoshop, poxerpoint, etc. n’est pas suffisant. De même que surfer sur Internet et échanger des messages sans intention didactique n’est pas porteur d’apprentissage. L’enseignant doit inscrire les activités utilisant les NTIC dans des projets élaborés autour d’une intention, d’un programme et incite les élèves à se questionner sur les connaissances. Il s’agit de développer un esprit de recherche et de synthèse au niveau scolaire. L’enseignant ne peut le faire de façon isolé. L’initiative doit être national autrement dit, provenir du ministère des Enseignements.

La nécessaire collaboration

La pléthore d’initiative sur le terrain tue les compétences et égare les personnes intéressées par les nouvelles technologies appliquées à l’enseignement selon Abdoulaye Yatabaré. Le manque de coordination et de collaboration dans les actions se font selon les occasions qui se présentent et selon que toute personne veuille être responsable et gérant d’une structure. Aussi Abdoulaye Yatabaré prévient : Nous sommes dans un contexte où gagner sa vie facilement hante les esprits et on vient à oublier l’essentiel. Tant que les structures oeuvrant pour l’intégration des NTIC dans l’enseignement ne fédéreront pas leurs efforts, nos forces seront toujours éparpillées et nous n’auront rien apporter à ceux pour lesquelles nous disons nous battre.

La participation des lycées, collèges et écoles primaires aux programmes GTP ou World Links se fait sur une simple manifestation de volonté des responsables académiques. Pour inciter d’autres écoles à participer aux différentes formations offertes, ces deux structures lancent des concours de meilleurs sites web. Ces compétitions s’adressent aussi bien aux élèves qui se doivent de créer des sites sur leur lycée ou collège qu’aux enseignants qui présentent leurs cours en lignes. Les prix sont en général du matériel informatique léger tels des souris, des disquettes, des tapis pour souris, etc.
Il y a quelques années que les NTIC ont fait leur apparition dans l’enseignement burkinabè. Les heureux bénéficiaires les utilisent le plus souvent pour échanger (courriel, tchat, recherche documentaire...). Ces technologies ne sont nullement prises comme des machines à enseigner testant des savoirs et apportant et développant par un usage rationalisé des connaissances. Pour que les NTIC soient porteuses d’apprentissage au sein des établissements scolaires burkinabè, il faut une réflexion approfondie de la part des enseignants, des responsables politiques sur les conditions pédagogiques à mettre en place. Les NTIC prennent de l’ampleur. Elles seront, sans doute, dans quelques années, des outils d’information et de communication incontournables. Et les écoles burkinabè, par une nouvelle appropriation, pourront se vanter de savoir les UTILISER.
Ramata Soré

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