E-gouvernance

Le logiciel libre, un espoir de développement pour l’Afrique de l’Ouest ?

Le logiciel libre ou libre se présente pour nombre d’Africains de l’Ouest comme un espoir d’informatisation. Toutefois, la migration vers le libre exige une organisation du monde des développeurs et un intérêt des entreprises et des gouvernements.

L’utilisation des logiciels libres pour l’Afrique de l’Ouest représenterait une opportunité de réduire la fracture numérique avec le Sud. Cette optique galvanise les développeurs qui librement innovent. Ils en sont récompensés chaque année par la Rencontre africaines des utilisateurs de logiciels libres. L’appropriation du libre s’avère une source d’emplois car elle engendre une concurrence et une maîtrise de technologies par les locaux. "Dès qu’un bug est signalé, il est corrigé par la communauté." précise Koné Karim, administrateur informatique à l’Université de Ouagadougou.

En Afrique de l’Ouest, la faible production du libre va avec une utilisation marginale. Néanmoins, le libre est présent dans certaines entreprises, dans l’éducation, etc. La Banque centrale d’Afrique de l’Ouest a installé la suite bureautique OpenOffice. Elle s’est engagée également dans un plan de migration de ses serveurs vers Linux. Baobab Edu s’est développé dans le milieu éducatif au Sénégal et au Mali. Akwaaba est utilisé en Côte d’Ivoire pour la gérance de la connexion de l’administration et des entreprises.

Au Burkina Faso, GestCarpa, production locale, sert à la gestion de la Caisse Autonome des Ressources Pécuniaires des Avocats. Les serveurs de l’université de Ouagadougou tournent sous Linux. Cela permet, affirme Koné Karim, à l’Université de Ouagadougou d’investir dans du matériel avec les économies réalisées grâce au non-achat de licences propriétaires. Le libre "correspond à notre culture de partage en Afrique de l’Ouest. Cela contribue à la vulgarisation du libre car avec lui, le nombre d’ordinateurs devient négligeable", assure Nenna Nwakanma, président de la Free Software and Open Source Foundation for Africa (FOSSFA).

Toutefois, une méfiance existe. Et cela du fait que le libre évolue rapidement et foisonne. Il fait peur à cause de l’existence d’une conception selon laquelle ce qui est gratuit, libre n’est pas de bonne qualité déclare Nenna Nwakanma.

Eduquer au libre

En Afrique de l’Ouest, l’une des difficultés pour l’expansion du libre est le manque de ressources humaines. La formation est onéreuse et la conception d’un logiciel coûteuse : "Le libre induit le coût du support, de développement, etc." affirme Seydina Ndiaye, enseignant et chercheur à l’institut technique de Saint-Louis au Sénégal.

Sylvestre Ouédraogo, enseignant chercheur à l’université de Ouagadougou et responsable de yam pukri association (yam-pukri.org) reproche aux développeurs, l’inexistence de communautés vivantes capables de produire et de collaborer sur des programmes. En plus, le développeur craignant de voir son idée ’’volée’’ s’isole et travaille seul. "L’esprit de partage n’est pas encore accepté. Ce qui fait que certains produits demeurent méconnus" déplore Rasmata Compaoré, ingénieur informatique et membre de l’Association Burkinabè des Utilisateurs de Logiciels Libres. Cette crainte se justifie par le fait qu’un membre de la communauté peut transformer un code libre en logiciel propriétaire et s’enrichir. Conséquence : la majorité des développeurs "innove sans règle et en fonction de leurs besoins dans la dispersion." regrette Sylvestre Ouédraogo.

La mauvaise connectivité ralentit le travail des quelques rares développeurs. A ces embûches se greffe l’acharnement des éditeurs de logiciels propriétaires pour effacer l’utilisation du libre.

Microsoft sur la défensive

Ces éditeurs font du dumping. Microsoft aussi bien au Burkina, au Mali, au Sénégal, qu’en Côte d’Ivoire, etc. multiplie les accords avec les gouvernements en matière d’aide au développement. Ainsi, "des ordinateurs sous Windows sont offerts avec des licences devant être renouvelées au bout d’un an. Or ce renouvellement demande d’énormes moyens financiers ce que nous n’avons souvent pas. Ce qui favorise le piratage" mentionne Koné Karim. Les pays Ouest africains deviennent donc de simples consommateurs. La stratégie des éditeurs : "laisser se développer la contrefaçon pour former des cohortes d’usagers "accros" à leurs produits, avant de "serrer la vis"" révèle Sylvestre Ouédraogo. Puis Seydina Ndiaye de poursuivre "La dépendance aux logiciels propriétaires est donc pérenne. Je vois mal ces multinationales s’en prendre à de "pauvres africains" pour des raisons d’image, on est encore loin de nous libérer de cette dépendance".

Face à ces multinationales, l’Afrique de l’Ouest n’a pas développé un projet pour la croissance et la vulgarisation du libre. Or, le projet Asianux soutenu par les pouvoirs publics chinois, japonais, coréen du Sud est financé à des milliards de dollars. Le projet d’Afrunix est toujours dans les tiroirs.

Au Burkina Faso par exemple, le ministère des postes et télécommunication n’a défini aucun plan d’action concernant la promotion du libre. La raison : certes le manque de volonté politique, il y a la quasi inexistence de compétences. Pour le chercheur Seydina Ndiaye, l’expansion du libre ne saurait "reposer sur des principes idéologiques ou "politico-altermondialistes", mais plutôt sur une logique organisationnelle et technique". L’absence de cette logique fait que "Les slogans sur le libre comme outils de salut pour l’Afrique ne sont pas convaincants" pense Sylvestre Ouédraogo.

Pour une émergence du libre, Sylvestre Ouédraogo suggère une approche marketing partant "du fait qu’aucun produit n’apparaît parfait et abandonner les logiciels propriétaires pour le libre ne résoudrait en aucun cas les problèmes du continent africain".

Pour Seydina Ndiaye, le libre ne peut être une voie d’informatisation de l’Afrique de l’Ouest : "la meilleure manière de s’informatiser est de passer par nos entreprises de développement de logiciel, de les aider à monter en compétences" en les appuyant avec des stages de mise à niveau, une politique volontariste, de commandes destinées à l’administration, à l’enseignement, aux banques, etc. "Tout logiciel développé pour ou par le gouvernement remplacera ceux propriétaires, ce qui favorisera l’usage massif" assure Rasmata Compaoré.

Ramata.sore@gmail.com

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